A l’ombre d’un doute

par Claire Chesnier

La rencontre d’une œuvre est une chose fragile, un imperceptible battement de cils où s’entrouvre la vision. Celle de Vincent Dulom est de celle-là. De celle, inoubliable de l’entrevue de la peinture « à demeure d’ombre »1. Ici, pas de séduction : une étendue âpre mais d’un seul tenant, qui vous rongerait les yeux lorsque le corps s’y glisse et le regard s’abîme.« Le temps s’arrête. Ce temps est alors le temps de l’œuvre, celui de la vision. »2 Une vision en milieu de fulgurance et de vide : présence soufflée en tache sombre, et voici le trou béant où l’on s’engouffre, à moins qu’il ne s’agisse d’une turgescence volatile de l’immatériel, de son sein tendu rien qu’un instant au bombé vitreux de l’œil, son antre perméable. Voici « l’instant du don et du retrait : ce temps donné où le sable s’interrompt, le temps que l’œuvre me donne. »3
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1. Vincent Dulom, Passeur de peinture, « Du lieu de la peinture – Réflexion, disgressions et quelques mots encore », texte de l’exposition Lenticulaires d’ombres, Toulouse, Espace III, Espace Croix-Baragnon, 4 novembre- 7décembre 2005, p. 10.
2. Alain Bonfand, L’ombre de la nuit, La mélancolie et l’angoisse dans les œuvres de Mario Sironi et de Paul Klee entre 1933 et 1940, Paris, Ed. la Différence, 2005, p. 12.
3. Alain Bonfand, Ibid.